VENET à Versailles

  Nous sommes actuellement en plein coeur de l'exposition de l'oeuvre de l'artiste français Bernar Venet à Versailles, qui crée une polémique dans la ville royale.

 De quoi s'agit-il exactement ? D'une énorme parenthèse métallique installée sur la place d'Armes du Château, au moyen de poutres incurvées plantées dans le sol.

  A première vue, on est frappé par la simplicité de cette sculpture qui se veut être reconnue comme une OEUVRE, et qui de surcroît, tranche radicalement avec le sens du détail et le degré de finition des bâtiments du Château, pur joyau du classicisme... En fait, on dirait un brouillon où un dessinateur a vaguement entouré le centre de sa photo pour un projet futur...

Cependant, essayons de passer sur les préjugés et toute l'inertie de la Tradition qui croit en l'Age d'Or de l'Art, refusant tout rapprochement entre différentes époques artistiques (quand certaines églises portent dans leurs propres murs des siècles de décalage..).

Mais l'important dans une oeuvre d'art, c'est d'abord et avant tout de pouvoir la contempler à sa juste distance. Or, là, justement, tout l'intérêt de cette parenthèse métallique est de l'apercevoir du fond de l'avenue de Paris. Au fur et à mesure que l'on se rapproche du Château par l'allée centrale de la ville, les arcs latéraux s'écartent dans la perspective pour porter le regard à l'intérieur, c'est-à-dire pile sur le Château lui-même.

Il faut avouer que même un regard quotidien, habitué à ce point de vue, retrouve une vraie intensité et renouvelle sa vision du lieu pourtant vu et re-vu, pour VOIR véritablement ce que les courtisans de Louis XIV ressentaient la première fois qu'ils arrivaient à la Cour.

Majesté, Harmonie, Stabilité.

Et pourtant, là n'est pas à mon avis le point d'orgue de cette installation contemporaine, qui réside autre part. Pour moi, la réussite ultime de l'artiste, c'est d'arriver à restituer au monument en lui-même sa PLACE, au sens fort. Eh oui ! pas de château sans sa Place d'Armes ! Le château a été conçu pour être vu et "en jeter", mais comment pourrait-il en jeter s'il n'y avait pas de PLACE suffisante pour reculer et l'admirer ?

Cela paraît simple comme ça : tout le monde connaît le PARVIS de Notre-Dame et l'assimile spontanément au bâtiment brut pour former le tout de ND de Paris. Pourtant, combien d'architectes jubilent sur une maquette qui, -VU DE HAUT-, exprime une idée symbolique, mais qui, dans la réalité, ne laisse absolument rien transparaître de l'idée originale, pour ne former qu'un vulgaire bâtiment ?!?

Pour finir, je pense donc que le principal mérite de Venet est de nous montrer qu'une chose existe et vit par elle-même, mais aussi et surtout de par son CADRE. Dans chaque danse, les tenues habillent les mouvements des danseurs ; dans chaque scène de cinéma, le décor joue sur l'atmosphère ; en architecture aussi, le vide influe sur le plein, et la place d'Armes de Versailles ne fait que relever la splendeur du Château.

Poser une pierre, c'est bien, l'ex-poser, c'est mieux !